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Adresse de Jean-Pierre Kahane au comité de développement du CESFO

 
 

Un comité de développement du CESFO, s'est monté il y a un an. Ses acteurs, soutenus et pour certains issus du PCF, se sont inquiétés de l'évolution du CESFO dans le campus Paris-Saclay. Une lettre de soutien a été demandée à Jean-Pierre Kahane, ancien président de l'Université, après que la section locale du PCF a organisé une récolte de plus de 1400 questionnaires plébiscitant un maintien du CESFO et autant de pétitions allant dans le même sens. A l'heure actuelle, la situation est grave et le CESFO risque de plus en plus de disparaître.

A l'attention des "Amis du CESFO"

 

Monsieur et cher ami

 Je suis sensible à votre message et je m'empresse d'y répondre. Si le contenu de ma réponse peut être utile d'une façon ou d'une autre, je vous laisse absolument libre de l'utiliser.

 Le CESFO a été une création originale à Orsay, avec des activités et des compétences dans nombre de domaines. Je me bornerai à l'aspect de la restauration, comme votre lettre semble le suggérer, et je me bornerai à ce dont j'ai eu connaissance ou que j'ai pu faire comme président de l'Université à la suite de Bernard Picinbono.

 Bernard Picinbono a été le premier président de l'Université de Paris-Sud , et il s'est trouvé en matière de personnel devant une situation très difficile. Les instituts et laboratoires d'Orsay avaient été pourvus de gros moyens, sous une pression professionnelle et syndicale forte. Le personnel affecté par l'Etat n'étant pas suffisant, les laboratoires et la Faculté avaient engagé du personnel payé sur les crédits de fonctionnement. Ainsi le personnel de la restauration, assez nombreux et divers (si je me rappelle bien , nous avions un boucher), était un personnel "hors statut", et l'Université avait à sa charge tous les frais non assumés par les participations individuelles : les fluides, l'entretien, et le personnel ; les usagers payaient, comme on disait, ce qu'il y avait dans l'assiette, rien de plus. Bernard Picinbono a mis de l'ordre dans la gestion de tous les hors-statut. Il les a transformés en personnel de l'Université payés sur crédits de fonctionnement, qu'ils soient fonctionnellement gérés par des instituts, des labos, ou le CESFO. Du coup l'Université s'est trouvée dans l'état d'un patron d'entreprise, et le personnel a été intégré dans une grille de salaires, avec des carrières gérées par des commissions paritaires où se confrontaient naturellement les intérêts des personnels et ceux de l'Université.

Bernard Picinbono a quitté la présidence avant la fin réglementaire de son mandat, et j'ai pris sa succession. J'ai naturellement pris des conseils sur la question délicate de la restauration, qui était alors très sensible. Les premiers avis que j'ai reçus étaient clairs : l'argent attribué par l'Etat à l'enseignement et à la recherche ne pouvait pas être distrait au profit de la restauration du personnel. Les seconds avis étaient clairs également : l'Université prenait à sa charge des sommes qu'il faudrait équilibrer entre elle et le CNRS, et éventuellement les autres organismes présents sur le campus. Il y avait en tous cas quelque chose à faire, avec l'appui des syndicats et non contre eux : démarches au ministère, entretiens avec le délégué du CNRS. Et au cours de ces démarches et entretiens j'ai pu inscrire les premiers avis dans le cadre qui me paraissait s'imposer pour la gestion de l'Université : d'abord, il faut intégrer les personnels hors-statut dans la fonction publique, enseignement supérieur ou CNRS, en perennisant leur carrière ; ensuite, la gestion a un but principal :  faire travailler les enseignants et les chercheurs le mieux possible, et cela implique beaucoup de choses, pour eux, pour les étudiants, et pour tous les personnels. Parmi ces choses, se retrouver ensemble pour partager un bon repas n'est pas une utilisation abusive des moyens donnés pour l'enseignement et la recherche, c'est l'une des utilisations raisonnables et efficaces.

Donc ma ligne d'action était claire, et facile à exposer. Il y avait naturellement des appréciations différentes sur le premier point : comment intégrer dans la fonction publique sans concours ni examen individuel ? Le ministère était contre, et spontanément les personnels titulaires n'étaient pas pour. Mais le travail mené sous l'égide de Picinbono s'est avéré décisif : nous avions, à l'Université de Paris-sud, un effectif de travailleurs gérés rigoureusement selon les règles de la fonction publique, l'Université en était responsable, l'effectif devait être intégré dans sa totalité au niveau où il se trouvait comme personnel de l'Université. Le travail a été mené dans l'Université de façon remarquable et rigoureuse, et mon rôle a été d'obtenir l'intégration de tous sans exclusive.

L'histoire a valeur actuelle, parce que les hors-statut se recréent massivement, mais pour répondre à votre souci je veux surtout insister sur le rôle historique, et présent, du CESFO pour administrer de bonne manière les restaurants du personnel. Le CESFO est particulier à Orsay, mais ce qui est en cause est la prise en considération de la restauration comme facteur d'efficacité du travail intellectuel. Je crois inutile de développer ce point : manger ensemble, prendre le thé ensemble, c'est l'occasion de renouveler les contacts en prenant du champ par rapport à l'immédiat. On pourrait invoquer les thés de l'Institut Pasteur à l'époque de Lwoff, Monod et Jacob. Je ne résiste pas à l'envie d'y associer les élèves finlandais, l'année où s'est lancée l'enquête Pisa sur les acquis scolaires où la Finlande s'était distinguée ; on leur avait demandé s'ils aimaient l'école, et la réponse avait été  oui ; alors on leur avait demandé  pourquoi,et le réponse avait été  : parce qu'on y mange bien. A méditer à tous les niveaux, des écoles aux universités.

 

Voila un long témoignage, tirez-en ce qui vous paraitra utile. J'ai eu plaisir à rappeler mes souvenirs pour répondre à votre lettre.

 

Bonne chance, et bien cordialement

 

Jean-Pierre Kahane

Président de l'UPS entre 1975 et 1978

 

 
 

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le 20 February 2017

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